La précarité étudiante s’impose aujourd’hui comme l’un des enjeux sociaux les plus urgents. Entre hausse du coût de la vie, accès difficile au logement et difficultés à se nourrir correctement, de nombreux jeunes tentent de poursuivre leurs études dans des conditions de plus en plus fragiles. Une réalité qui touche désormais toutes les facs, y compris Paris 1, où les récentes décisions amplifient encore les inégalités.
La précarité étudiante
Elle ne se résume pas aux difficultés financières. Elle se manifeste par l’absence de sécurités essentielles nécessaires pour garantir des droits fondamentaux : renoncement aux soins, difficultés à se loger, incapacité à se nourrir correctement. Il est important de rappeler qu’un étudiant sur deux doit cumuler études et emploi, avec des revenus souvent faibles. Cette double casquette d’étudiant-travailleur impacte fortement leur réussite scolaire, leur santé et augmente les risques de décrochage. Pour de nombreux jeunes, manger à leur faim devient un défi quotidien. 18 % des étudiants ont recours à l’aide alimentaire, selon le baromètre IFOP/COP1, soit près d’un étudiant sur cinq. Les repas sautés, les portions réduites ou l’abandon d’aliments jugés trop chers comme la viande deviennent de plus en plus courants. Des initiatives comme les repas à 1 € du CROUS permettent aux étudiants les plus précaires d’accéder à une alimentation qu’ils ne pourraient pas se permettre autrement. De nombreuses épiceries solidaires et associations distribuent également des aides alimentaires. Les étudiants peuvent bénéficier des APL et d’aides mensuelles du CROUS, même si celles-ci restent souvent insuffisantes.
Le logement : une préoccupation centrale
Pour une majorité d’étudiants, le logement constitue la principale dépense mensuelle, mais aussi une source majeure d’inquiétude. Trouver un toit relève souvent du casse-tête : loyers exorbitants, pénurie de logements, nécessité d’un garant. Habiter seul reste un luxe inaccessible. La colocation apparaît comme une solution plus abordable, mais elle peut s’avérer difficile à vivre en raison du manque d’intimité. Résultat : 30 % des étudiants peinent à payer leur loyer à temps, sacrifiant nourriture, loisirs et parfois même leurs études.
Le cas de Paris 1 : hausse des frais à l’Université Paris
Comme si Paris n’était pas déjà assez chère ! Alors que les étudiants peinent à joindre les deux bouts, l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a décidé d’augmenter drastiquement les frais de scolarité pour certains d’entre eux. L’université , accueille chaque année des milliers d’étudiants internationaux et a donc voté pour ces derniers l’augmentation des frais pour les étudiants extra-communautaires et fait passer les frais de scolarité d’environ 200 €. Jusqu’ici, une année de licence coûtait 178 euros. Et pour s’inscrire à une année de master, il fallait débourser 254 euros par an pour les étudiants étrangers. Une mesure qui provoque une forte indignation chez les enseignants et les étudiants. Dans les chiffres ça ressemblerait :
- Licence : 2 895 €
- Master : 3 941 €
Seuls échappent :
- les ressortissants de l’UE
- les ressortissants de l’UE
- les étudiants exilés
- les ressortissants des 44 pays les moins avancés selon l’ONU (ex. : RDC, Haïti)
Cette décision suscite une vive opposition. Marie-Emmanuelle Pommerolle, maîtresse de conférences et signataire de la tribune, estime qu’il s’agit d’une "ligne rouge" pénalisant des étudiants déjà précaires. Elle ajoute : "Leur demander de payer 4 000 euros nous semble irréaliste". Même la direction reconnaît une mesure imposée par la crise budgétaire. Elle espère revenir en arrière lorsque la situation financière sera stabilisée sans horizon défini. D'autant plus que les APL seront peut-être supprimées en 2026 pour certains étudiants étrangers.
Des trajectoires différentes
Les difficultés financières redessinent profondément les trajectoires universitaires : 30 % des étudiants renoncent à intégrer l’établissement de leur choix pour raisons économiques, 27 % modifient leur projet professionnel, et 22 % envisagent de raccourcir leurs études. La réussite est elle aussi fragilisée : 53 % ont déjà échoué à au moins un partiel. Le lien entre précarité et échec apparaît clairement dans les taux de redoublement : 32 % des étudiants bénéficiaires de l’aide alimentaire ont redoublé, contre 17 % pour ceux qui n’y ont pas recours. Un écart de 15 points qui montre l’impact direct de la précarité sur la réussite académique. Les étudiants les plus fragiles cumulent renoncements, difficultés d’apprentissage et coûts supplémentaires liés au redoublement : un cercle vicieux qui entretient la précarité. En effet, 62 % des bénéficiaires des aides d’urgence du CROUS sont des étudiants étrangers. L’UNEF alerte : "Ces jeunes doivent rogner sur la nourriture, se privent de soins, peinent à se loger, et doivent malgré tout poursuivre leurs études".