Avec l’agence Buzzman, l’ACT a détourné les codes du glamour cannois pour attirer l’attention sur le phénomène inquiétant qu’est la surreprésentation du tabac à l’écran. Plusieurs films comme Asteroid City, Anora ou encore L’Amour ouf ont été pointés du doigts pour leur quantité notable de scènes de tabagisme. Des affiches sombres et ironiques ainsi que des slogans détournés ont été créés pour marquer l’accès et mettre en avant cette lutte. Mais aussi un "palmarès inversé" animé en direct sur les réseaux par le streamer et influenceur Doigby, qui a rassemblé une large audience jeune. Il ne s’agissait pas ici de récompenser la mise en scène ou le jeu d’acteur, mais bien la quantité de tabac visible à l’écran.

Le tabac, acteur majeur dans l’industrie du cinéma
Cette campagne vise à mettre en lumière une tendance persistante qu’est la normalisation du tabac dans le cinéma. Selon une étude Ipsos pour la Ligue contre le cancer (2021), 58 % des jeunes de 18 à 24 ans estiment que la cigarette à l’écran donne envie de fumer. Et une enquête de Truth Initiative (2022) a montré que 47 % des films populaires incluent des scènes de tabagisme, exposant potentiellement 25 millions de jeunes à ces images.
Pour l’ACT, cette omniprésence du tabac n’est pas anodine. Elle entretient des imaginaires puissants, la cigarette comme symbole de rébellion, d’élégance, de liberté et symbole d’une époque. Des stéréotypes que le cinéma continue de véhiculer, parfois inconsciemment, parfois par tradition esthétique.
Un enjeu de santé publique majeur
Le rappel est brutal mais nécessaire, en France, 31,8 % des adultes fument encore, soit environ 12 millions de personnes (Baromètre Santé publique France, 2022). Le tabac reste la première cause de mortalité évitable, responsable de 75 000 décès par an. Malgré les campagnes de prévention, les taxes, l’interdiction de publicité et le paquet neutre avec des préventions sur tous les articles liés au tabac, le cinéma, lui, demeure un moyen non contrôlé d’utilisation et de mise en avant du tabac. L’ACT, fondée en 1991, regroupe des associations, des chercheurs, des médecins ainsi que des professionnels de santé engagés dans la lutte contre le tabagisme.
Loin de réclamer une censure stricte, elle appelle à une prise de conscience collective. Pourquoi continue-t-on à voir autant de cigarettes dans les films ? Est-ce encore un besoin narratif, ou une habitude culturelle à déconstruire ? En détournant l’un des plus grands festivals de cinéma du monde, "Le Festival où tu canes" ne cherche pas à humilier les réalisateurs ou à interdire les scènes de fumée. Il s’agit d’un appel à responsabilité car la fiction façonne les comportements, surtout chez les plus jeunes. Et derrière chaque cigarettes fumées et filmées, c’est peut-être le début d’une addiction pour un spectateur.