Lancée le 24 octobre 2025, cette 2nde saison de la collection Culte s’inscrit dans une lignée de séries retraçant les phénomènes culturels français. Après Loft Story, place à un symbole des années 1990, trois adolescents de Longjumeau, Filip, Adel et Frank, devenus en quelques mois les idoles d’une génération. Avec plus d’un million d’albums vendus, des tournées à guichets fermés et un public adolescent en effervescence, 2Be3 incarnaient à la fois l’innocence et la machine à stars des années pré-internet. La série raconte cette ascension à travers le regard d’une jeunesse qui rêve d’évasion et d’une industrie musicale en pleine mutation. Loin d’un simple hommage, elle interroge la mécanique du succès, la manière dont trois amis d’enfance, propulsés au rang de phénomène national, ont tenté de rester soudés face à la célébrité, à la médiatisation et à la solitude qui l’accompagne.
Une reconstitution soignée et immersive
Yaël Langmann restitue l’atmosphère des années 90 avec une minutie rare. Téléphones à clapet, jeans taille haute, vestes métalliques, clubs bondés et flashs aveuglants composent un décor plus vrai que nature. Les rues de banlieue côtoient les plateaux télévisés saturés de néons. Chaque plan porte la patine d’une époque où la pop française tentait de rivaliser avec les boys bands britanniques.
Le trio formé par Antoine Simony dans le rôle de Filip Nikolic, Namory Bakayoko dans celui d’Adel Kachermi et Marin Judas-Bouissou dans celui de Frank Delay impressionne par sa justesse. Les acteurs ne se contentent pas d’imiter, ils incarnent la tension entre camaraderie et compétition, innocence et exposition médiatique. Leur énergie, leurs chorégraphies millimétrées et leurs moments de doute redonnent vie à une génération fascinée par la réussite instantanée. Le vrai Frank Delay, membre originel du groupe, apparaît d’ailleurs dans la série dans un rôle secondaire, ajoutant un supplément d’authenticité et de tendresse au récit.
Une nostalgie lucide
Le scénario rythmé sur six épisodes alterne les moments d’euphorie et les instants de désillusion. Culte des 2Be3 ne tombe jamais dans la caricature. Le succès n’est ni glorifié ni condamné, simplement observé. L’écriture montre la fascination médiatique, les tournées épuisantes, les contrats étouffants et la difficulté de se construire à vingt ans sous les projecteurs.
La bande-son saturée de hits d’époque, Partir un jour, Toujours là pour toi, mais aussi des reprises internationales des Backstreet Boys ou de Take That, ancre la série dans une mélancolie lumineuse. Les séquences de concert, filmées en plan-séquence, rappellent l’énergie adolescente d’une France qui découvrait ses propres icônes pop. Sous ses airs de biopic pop et scintillant, la série esquisse un portrait social discret, celui d’une jeunesse issue de banlieue rêvant de reconnaissance dans un milieu encore très codifié.
Un hommage à la camaraderie et au désenchantement
Plus qu’une reconstitution, Culte des 2Be3 parle d’amitié. Le lien entre Filip, Adel et Frank constitue le véritable fil conducteur. Le trio est à la fois une famille choisie et une micro-société où l’ambition, la loyauté et la fatigue s’entrechoquent.
Les scènes de coulisses, loin du glamour, capturent la vulnérabilité de trois jeunes hommes pris dans un système qui les dépasse. Yaël Langmann filme cette fraternité avec une sensibilité pudique, refusant le pathos. Les dialogues oscillent entre humour et désenchantement. Un simple regard dans les loges suffit à dire la fin d’une illusion.
Un pari risqué mais nécessaire
Prime Video s’aventure avec audace dans un registre rarement exploré par la fiction française, le biopic musical générationnel. Après la vague anglo-saxonne de séries sur les icônes pop, Culte des 2Be3 démontre que la nostalgie française peut elle aussi être filmée avec style et empathie. Certains critiques regrettent une mise en scène jugée trop lisse ou un scénario plus tendre que tranchant, mais cette douceur semble volontaire. La série préfère la mélancolie à la dénonciation. En assumant sa pudeur, elle touche à l’universel.
Avec Culte des 2Be3, Prime Video signe une œuvre à la croisée du divertissement et de la mémoire. Derrière les vestes en cuir et les chorégraphies synchronisées se cache une réflexion sur la célébrité éphémère, la loyauté et la quête d’identité. La série réveille des souvenirs communs, posters accrochés sur les murs, refrains entêtants, apparitions télévisées où les cris des fans couvraient tout. Elle redonne aux 2Be3 une place méritée dans l’histoire de la pop française, celle de pionniers sincères pris dans un tourbillon qu’ils n’avaient pas prévu. À la fois hommage et avertissement, Culte des 2Be3 rappelle qu’avant les likes et les vues, la célébrité était déjà une course contre le temps. Une série tendre, énergique et lucide, qui redonne du rythme à la mémoire collective.