"Je me sentais prise au piège". Ces mots sortis d’une audience des affaires familiales sont ceux d’une femme ayant porté plainte contre son compagnon pour violences conjugales. Dans Je vais te tuer, nouveau documentaire Arte diffusé le 24 novembre dernier et disponible sur la plateforme de la chaîne jusqu’au 21 juin 2026, un sentiment règne : la peur. Écrit et réalisé par Karine Dusfour, le film nous plonge au coeur des violences intrafamiliales, grâce aux autorisations exceptionnelle de filmer directement les audiences.
De multiples formes de violence
À Poitiers, Colmar ou encore Paris, les faits reprochés aux accusés se ressemblent. Les juges aux affaires familiales énoncent entre autre le contrôle par le conjoint des messages de la plaignante, de sa tenue ou encore de ses réseaux sociaux. Insultes, cyberharcèlement, violences physiques, psychologiques ou encore séquestration, le spectre des violences conjugales est vaste. Dans certains procès montrés ici, elles vont parfois jusqu’aux menaces de représailles sur les enfants, voire aux menaces de mort. "Je vais te tuer", "je vais te cogner jusqu’à ce que tu crèves", "je vais t’en foutre une devant ton fils", ou encore "je vais vous crever tous" sont autant de propos écrits ou rapportés verbatim de ces hommes à l’encontre de leurs compagnes. En effet, au moins 86% des auteurs de violences conjugales et intrafamiliales sont des hommes, selon le ministère de l’Intérieur.
Le contrôle coercitif
Un terme revient souvent lors de ces audiences : la notion de contrôle coercitif. Élément crucial dans la compréhension des mécaniques de violences conjugales, le contrôle coercitif représente l’accumulation des actes visant à isoler, contrôler et intimider la victime. Aujourd’hui absente du code pénal, cette notion a toutefois été mentionnée pour la première fois par une juridiction en 2024. Elle fut d’ailleurs introduite dans la proposition de loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) examinée par le Sénat en avril dernier. Les sénateurs l’ont alors supprimée, "craignant une censure constitutionnelle au regard de la fragilité des notions de peur sur lesquelles reposait la définition adoptée", selon le site du gouvernement.
Un aspect essentiel de la lutte contre les violences conjugales
De nombreuses associations et acteurs de la lutte contre les violences intrafamiliales estiment pourtant que comprendre la notion de contrôle coercitif est essentiel. Cette dernière est d’ailleurs criminalisée en Belgique, au Royaume-Uni, au Danemark ou encore au Canada. En France en 2024, le ministère de l’Intérieur recense plus de 272 000 victimes de violences conjugales âgées de 15 à 64 ans, 85% d’entre elles sont des femmes. Parmi elles, huit sur dix sont des mères, générant également de nombreux enfants "co-victimes" de ces violences.