On a tous une image bien définie de la colocation : un frigo où chacun colle son prénom, des négociations interminables pour la vaisselle, et parfois des soirées improvisées un mardi soir. Mais il existe un autre type de colocation, beaucoup moins connu. Des colocs qui n’existent pas juste pour payer moins de loyer, mais parce qu’habiter ensemble peut réellement transformer des vies. Parfois même les sauver. Aujourd’hui, les colocs solidaires se multiplient : jeunes et seniors, étudiants dans des quartiers populaires, anciens sans-abri qui vivent avec des actifs. Sur le papier, ça paraît improbable. Dans la réalité, c’est bouleversant.
Lazare : vivre ensemble pour reconstruire des vies
Lazare est une association, avec des maisons présentes dans plusieurs grandes villes de France, et même à l’international, qui proposent un modèle complètement à part : des colocations où vivent ensemble des personnes qui ont connu la rue et des jeunes actifs.Ce n’est pas de l’hébergement d’urgence, ni une structure sociale classique : c’est une vraie vie de coloc. Ici, les colocataires partagent la cuisine, les repas, les tâches du quotidien, mais surtout, ils partagent une vie commune qui redonne une place, une dignité, un rythme. Chacun a sa chambre, mais tout le reste se vit ensemble. Le principe est simple : si on veut que quelqu’un se relève, on ne le laisse pas seul. Aux côtés des colocataires, une “famille responsable” vit dans chaque maison. Elle est là pour accueillir, accompagner, garder un cadre bienveillant… mais surtout pour être un repère humain, stable, qui ne disparaît pas du jour au lendemain. Ce modèle fonctionne parce qu’il repose sur une idée très simple : la reconstruction ne passe pas seulement par un toit, mais par une table autour de laquelle on mange, une porte qu’on sait qu’on peut ouvrir, une présence qui compte.
Les KAPS : des colocs étudiantes mais version utile
Les KAPS, ce sont les Kolocations À Projets Solidaires imaginées par l’AFEV. C’est une association qui lutte contre les inégalités éducatives et la création de liens solidaires entre campus et quartiers populaires, avec l’engagements de nombreux étudiants. Si vous visualisez une coloc d’étudiants classique, effacez tout. Ici, on habite ensemble, oui, mais on agit aussi sur le quartier. Le fonctionnement est clair : les kapseurs vivent dans des appartements ou colocations à loyers modérés, et en échange, ils s’engagent 2 à 5 heures par semaine dans des actions solidaires : aide aux devoirs, ateliers numériques, jardin partagé, animations avec les familles ou bien encore projets de quartier. L’objectif : créer du lien dans des quartiers populaires tout en rendant le logement plus accessible aux jeunes. Le résultat : des colocations vivantes, engagées, créatives, et surtout utiles. Et puis, entre nous, c’est un apprentissage que personne n’a en cours magistral : gérer un projet, travailler en équipe, comprendre un territoire, s’adapter aux autres. C’est du concret, de la vraie vie.
Les habitats partagés seniors : vieillir ensemble
Autre public, autre besoin : les personnes âgées. Beaucoup refusent l’idée d’un EHPAD mais redoutent aussi la solitude. Les habitats partagés, petites colocs entre seniors, maisons autogérées, béguinages modernisés deviennent une alternative de plus en plus recherchée. De nombreuses plateforme existe comme Cettefamille. Le principe : vivre ensemble sans perdre son autonomie. Chacun garde son rythme, sa chambre, son indépendance, mais partage des espaces communs, des repas, des discussions, du quotidien. Ces habitats “à taille humaine” permettent de rompre l’isolement, de maintenir une vraie vie sociale, et de rester acteur de son quotidien. Pour certains seniors, c’est la possibilité de vieillir entourés, respectés, écoutés. Pour d’autres, c’est simplement retrouver le plaisir d’avoir quelqu’un à qui dire bonne nuit.
Pourquoi ces colocs changent vraiment des vies
Si ces colocs solidaires fonctionnent, ce n’est pas un hasard. Elles créent des choses que ni les politiques publiques, ni les aides financières, ni les structures traditionnelles ne peuvent offrir seules : du lien humain (le vrai, pas celui des réseaux sociaux), du soutien au quotidien, de la stabilité émotionnelle, une place dans le groupe, un sentiment d’utilité et surtout un cadre sans être une contrainte.Vivre ensemble oblige à se regarder, se parler, s’aider. Et quand on a traversé la solitude, la rue, l’isolement, ou même simplement les galères de la vie étudiante, cette présence peut tout changer.
Vers une nouvelle façon d’habiter ?
On vit dans une époque où chacun vit derrière une porte blindée, où on croise des voisins dont on ne connaît même pas le prénom, où la solitude devient un problème de société. Face à ça, les colocs solidaires montrent qu’une autre manière d’habiter est possible : plus humaine, plus simple, plus collective.Elles ne résolvent pas tout, mais elles prouvent une chose essentielle : quand on vit ensemble, on va mieux. Peut-être que la vraie révolution n’est pas dans la technologie, mais dans une table partagée et un frigo commun. Et honnêtement… ça fait du bien.